Odessa son histoire
Au bord de la Mer noire, Odessa est aujourd’hui une ville d’Ukraine, cette immense terre incroyablement plate et fertile qui a vu éclore, voici plus de mille ans, la première forme florissante de la civilisation russe (la “ Russie kiévienne “) et qui a héberge les habitants les plus divers et les plus colorés, dont les fameux Cosaques. Sa richesse naturelle en a fait la proie d’innombrables envahisseurs au cours des âges, Mongols, Turcs ou Allemands. Le 20e siècle n’a pas été avare de tragédies pour l’Ukraine : après la guerre civile, l‘époque soviétique lui a infligé l‘épreuve de la collectivisation, processus qui a été accompagné dans les années 1930 d’une meurtrière famine engendrée artificiellement par les autorités. Au début des années 1990, la fin de l’Union soviétique, dont l’Ukraine fournissait près de la moitié du blé et du fer, a plongé ce pays dans la crise. Mais depuis la fin de cette décennie, l‘économie s’est spectaculairement réorganisée ; bien des réformes ont porté leurs fruits, la terre libère enfin sa formidable énergie, le pays s’est ressaisi et la population vit mieux. En tant qu’unique port d’une Ukraine qui s’est remise à exporter, Odessa tire particulièrement bien son épingle du jeu.
Mais, aujourd’hui comme hier, Odessa ne se laisse pas résumer à “ un port prospère d’Ukraine “. Elle a été fondée par l’impératrice Catherine la Grande en 1794, qui l’avait destinée à devenir le premier port de la Russie à l’abri des glaces et à assurer la présence russe sur la côte de la Mer noire nouvellement acquise (” la nouvelle Russie “). Elle n’a pas tardé à connaître un développement extraordinaire, dont les effets caractéristiques sont encore visibles, grâce à des privilèges uniques. Ainsi, de nombreux groupes de population dont la vie dans les autres parties de la Russie était difficile (les serfs en fuite, les étrangers) ou interdite (les Juifs) étaient pleinement autorisés à s‘établir à Odessa, et y ont afflué. Dans le même esprit, les autorités attribuaient des parcelles urbaines gratuitement à celui qui s’engageait à construire dans un délai de deux ans selon des règles d’esthétique prédéfinies. En peu de temps, la ville est devenue l’une des plus grandes de Russie, et assurément la plus intensément cosmopolite, au point que la moitié de ses gouverneurs au XIXe siècle furent étrangers (dont le premier est le Duc de Richelieu, émigré français considéré aujourd’hui encore par les Odessites comme le véritable père de la ville).
Ces traits de naissance ont traversé les âges. Aujourd’hui, Odessa reste aussi originale que jamais et son originalité est délicieuse pour celui qui vient y étudier le russe. On dit que les humoristes de Russie viennent tous d’Odessa. Et l’on reconnaîtrait un Odessite à ce qu’il ne répond jamais à une question autrement que par une question. L’indépendance d’esprit vis-à-vis du pouvoir central (actuellement : Kiev) se manifeste également en ceci que, dans une Ukraine où la langue officielle est l’ukrainien, Odessa reste résolument russophone et semble bien avoir l’intention de le rester. Cela est parfaitement compréhensible dans la mesure où Odessa n’a jamais été peuplée d’Ukrainiens, mais de groupes nationaux extrêmement divers de l’Empire russe, qui avaient d’emblée adopté la langue russe comme langue inter-communautaire.
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